mercredi 24 avril, 2024 | 19:56

Le Faso danfani : De la filature traditionnelle au tissage : une culture, un art à moderniser à tout prix !

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Le Burkina Faso figure parmi les grands pays producteurs et exportateurs de coton en Afrique. Cela sonne comme une fierté car ce secteur fait le bonheur du monde paysan, voire de toute la nation. Mais dans la Kossi, l’or blanc n’est pas seulement destiné à l’exportation. Des femmes généralement très âgées, en complicité avec les tisserands, passent leurs vieux jours à transformer les fibres de coton en vêtement traditionnel communément appelé Faso danfani. Malheureusement, cette culture si bienfaisante peine à atteindre la modernité tant prônée.

L’époque révolutionnaire

Le pagne traditionnel faso danfani fait sans aucun doute la fierté du Burkina. Partout dans le pays, ce pagne est l’expression même de l’identité burkinabè. Le président Thomas Sankara, dans sa vision de promouvoir la consommation des produits made in Burkina, avait imposé le port du Faso danfani à ses concitoyens. A l’époque, les Burkinabè, à commencer par les lettrés, séduits par la « classe » du mode vestimentaire occidental, n’avaient malheureusement pas trouvé leur intérêt dans ce projet. Face aux mesures prises par le capitaine Sankara, ceux-ci ont adopté le Faso danfani de façon apparente, pour ne pas passer comme l’ennemi de la révolution et subir la répression du capitaine et ses agents des Comités de défense de la révolution (CDR).

Des pagnes Faso danfani

L’on raconte qu’à l’époque, les agents de l’Etat s’habillaient selon la tendance occidentale pour se rendre dans les services, tout en gardant le Faso danfani dans un sachet et à porter de main. Dès qu’il se murmurait que le président planait vers un service, les agents s’empressaient d’enfiler la tenue traditionnelle et se présentaient bien « clean ». La tenue était d’ailleurs taillée pour la circonstance, de sorte que l’on puisse la porter d’un seul coup de main. La situation était telle que l’on avait surnommé le Faso danfani. « Sankara arrive », ainsi l’appelait-t-on.

Mieux vaut tard que jamais !

Mais de nos jours, la tendance a bien changé. Ce sont les Burkinabè qui clament leur fierté d’être un peuple de culture en portant haut les flambeaux du Faso danfani. Ainsi, lors des cérémonies, dans les bureaux, partout au Burkina, l’on se sent fier de porter cette tenue. Des voix s’élèvent de plus en plus pour instaurer le faso danfani comme tenue scolaire dans le pays.

A l’étranger, les compatriotes n’ont désormais qu’une façon de clamer leur appartenance au pays des hommes intègres : porter le Faso danfani. Salimata Konaté, une native de Nouna vivant en France nous raconte à quel point elle force l’admiration et le respect du côté de l’hexagone grâce au port du faso danfani. « Ma garde-robe ainsi que celle de ma fille sont garnies de Faso danfani. J’en ai en vestes, en chemises et en d’autres styles. Lorsque je sors, portant ces tenues, les proches et même les inconnus me font des remarques agréables. Cela donne la fierté d’appartenir à cette société dont la richesse culturelle est à revendre », confie-t-elle.

Nos autorités, lors de leurs tournées dans le pays comme à l’extérieur, n’abandonnent plus le Faso danfani. Cela témoigne que le Burkinabè d’aujourd’hui a compris non seulement que le visionnaire Sankara avait raison, mais aussi et surtout qu’un peuple qui rejette sa culture, bafoue par le même geste son histoire et compromet à jamais son avenir. Heureusement, comme le dit l’adage, mieux vaut tard que jamais.

Dans la province de la Kossi, l’on n’a nul besoin de mener une enquête pour savoir que le Faso danfani est très prisé. Un coup d’œil dans le quotidien des habitants de cette province suffit pour s’en rendre compte. En effet, pendant les fêtes de mariage, de baptême et aussi les fêtes religieuses, les Kossilaises ont coutume d’ériger le Faso danfani en uniforme.

Konaté Fogoma, une sexagénaire, nous raconte qu’à sa jeunesse, la rivalité entre les demoiselles était basée sur la quantité et la diversité des tenues en Faso danfani. « Jon ba bolo massé », c’est-à-dire en français, qui n’a pas une mère capable ? Telle était l’un des surnoms du Faso danfani en pays marka. Le temps s’est écoulé de cette époque à maintenant, mais ce pagne traditionnel n’a rien perdu de son prestige.

Tout se fait à la main

Pour satisfaire la forte demande de Faso danfani dans la Kossi, des femmes ont fait de la confection du pagne, leur quotidien. Nous avons fait le tour des villages environnants de Nouna pour les voir à l’œuvre. Dama Itako que nous avons trouvée en pleine activité dans le village de Kombara à 17 km à l’ouest de Nouna, nous explique qu’elle a appris à filer de sa mère. « Filer le coton est désormais mon métier et mon passe-temps », dit-elle en souriant.

Itako Dama

Pour obtenir le produit fini, la procédure est assez minutieuse. Tout se fait à la main. C’est pendant les récoltes, que les femmes se procurent le coton qu’elles débarrassent des grains. Après avoir filé les fibres, elles obtiennent des fils qu’elles envoient chez le tisserand. C’est lui qui fait le travail de finition en confectionnant les pagnes. Les pagnes sont enfin transformés en vêtements selon le modèle voulu.

Un tisserand de la Kossi

Ce travail auquel se consacrent seulement les femmes du troisième âge, profite pourtant à toute la société. Celles qui la pratiquent s’habillent elles-mêmes ainsi que leurs proches en plus des revenus monétaires que génère l’activité. « J’en tire un grand profit car je m’habille avec ces pagnes. J’en donne également à mes filles », nous confie Traoré Bakon, une autre vieille femme qui s’adonne à l’activité. Elle poursuit en ces termes : « Je vends aussi les pagnes que je confectionne à 7500 francs CFA le pagne. C’est avec cet argent que je subviens à mes différents besoins ».

Traoré Bakon

La filature traditionnelle du coton est cependant confrontée à quelques problèmes. L’accès à la matière première en est le plus sérieux. En effet, les paysans cultivent le coton uniquement pour la vente. Les femmes peinent donc à s’en procurer pour leur tonte traditionnelle.

En plus de cela, il y a le risque d’extinction de cette culture. Car, seules les vieilles femmes s’y adonnent. Les jeunes femmes n’ont pas le temps ou plutôt la volonté de s’y mettre. Dama Itako craint alors que dans quelques années, il n’y ait plus de femme qui sache filer le coton. « Les femmes de nos jours aiment porter le Faso danfani, mais elles ne s’intéressent point à apprendre à filer. Nous invitons nos filles à s’y intéresser car c’est une culture qui a beaucoup de bienfaits », ajoute-t-elle.

Il faut nécessairement moderniser le secteur !

Cela interpelle surtout les dirigeants du pays à jouer leur partition en ce qui concerne la modernisation effective du secteur de production du Faso danfani. Ainsi, le coton produit au Burkina, sera transformé au Burkina par des Burkinabè pour habiller les Burkinabè. Cela contribuera certainement à résoudre les nombreux défis auxquels les contonculteurs sont confrontés, notamment la question des prix qui ne sont pas forcément à l’avantage de ces derniers.

Le projet semble occuper bien des pages dans les carnets ministériels des autorités en charge de la culture et celles en charge de l’industrie. En attendant donc une implantation d’usines de confection de Faso danfani dans la Kossi, ces braves artisans accomplissent des merveilles.

Issa Mada Dama

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