vendredi 29 mars, 2024 | 8:22

Le cri de détresse d’une Sage-femme mise en demeure de rejoindre son poste où elle se sent en insécurité : << Des hommes armés ont dit qu’ils savent que mon mari est gendarme et qu’ils reviendront me rendre visite encore >>

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Intégrée à la fonction publique en 2018 en tant que Sage-femme d’État, Nadège Zongo, servait au CSPS de Liptougou dans le district sanitaire de Bogandé dans la région de l’Est. Ayant reçu la visite des hommes armés à son domicile, elle a rejoint Bogandé avant de retourner en famille à Ouagadougou. L’une de ses collègues y a même été victime de viol. Mais un communiqué daté du 19 janvier 2023 la met en demeure de rejoindre son poste. Nadège s’est alors confiée à Timbanews.net espérant trouver une solution favorable. Elle demande juste à sa hiérarchie de l’affecter dans une zone plus sécurisée.

« Le 1er septembre 2022, autour de 13 heures, j’ai reçu la visite de 02 individus armés au poste ( à domicile). J’étais en compagnie de ma fille de 10 ans. Ils m’ont demandé qui j’étais, ce que je faisais ici, pourquoi j’étais dans ce bâtiment. J’ai répondu à leurs questions. Ils ont aussi demandé où étaient mes collègues. Je leur ai dit qu’ils étaient en déplacement et que c’est l’accoucheuse et moi nous étions présentes. Après ces questions ils m’ont demandé à qui appartient la voiture garée dans ma cour. J’ai dit que ça m’appartient. Ils ont dit qu’ils pensaient que c’était une ambulance et que si c’est pour moi, ils n’en veulent pas.

Lorsque qu’ils sont partis j’ai décidé de rejoindre le district puisqu’il n’y a pas de réseau pour expliquer la situation à mes supérieurs hiérarchiques. Avant d’aller à Bogandé, je suis passée expliquer au chef du village. L’accoucheuse m’a dit qu’elle aussi a peur donc elle a décidé de me suivre. A Bogandé, on a expliqué la situation au major qui, à son tour, a informé le Médecin Chef du District sanitaire (MCD) de Bogandé. Moi aussi je lui ai écrit sur WhatsApp pour lui expliquer. Il m’a dit qu’il est en déplacement et qu’il nous (l’accoucheuse et moi) verra une fois qu’il rentre. Nous sommes restés là 04 jours sans signe de sa part. Pendant ce temps nous sommes restées en contact avec le major.

Le gérant du dépôt du csps est venu nous rejoindre à Bogandé pour nous faire part de ce qu’il y avait. Il a dit que les hommes armés qui étaient venus chez moi sont venus chez lui et lui ont dit de venir me dire de revenir qu’ils s’excusent pour leur acte. Ils sont allés chez le chef du village aussi pour présenter leurs excuses. Pendant ce temps je recevais la pression du MCD par le biais d’intermédiaires. Que c’est parce que je ne veux pas travailler que j’ai inventé cette histoire et que mes collègues lui ont dit que c’était faux ( mes collègues en déplacement svp). Face à ces intimidations je suis repartie au poste en larmes et avec une très grande peur au ventre. Après le passage des hommes armés, j’ai eu tellement peur que j’avais constamment des céphalées et des vertiges dus peut être à la peur ou à un traumatisme.

Le 15 novembre 2022 aux environs de 22 heures, l’une de mes collègues a appelé le major pour expliquer que 04 individus armés sont venus chez elle et l’ont violée à tour de rôle en présence de son enfant de 05 ans. Ils ont aussi pris son argent. Aussitôt, le major, son adjoint, le gérant et le gardien se sont rendus chez elle afin de mieux comprendre ce qui se passe. Lorsqu’ils sont revenus, ils nous ont fait le compte rendu. Que les individus ont dit que ce sont eux qui étaient venus chez moi la dernière fois (1er septembre 2022), qu’ils ont mené les enquêtes et ils sont au courant que mon mari est gendarme et que c’est ce dernier qui m’a offert le véhicule. Qu’ils reviendront me rendre visite encore. Pris de peur, le lendemain chacun de nous à essayé de se sauver dans le but de se protéger.

La nuit du drame, le MCD m’a appelée ( comme par miracle ce jour le réseau est venu) pour me demander ce qui s’est passé et quand je lui ai expliqué, il m’a dit que ce sont sûrement des bandits car selon lui, ce ne sont pas des terroristes qui ont posé cet acte. Et que si l’acte s’était produit au sein du CSPS, il nous aurait dit de fermer mais comme c’est au domicile de la dame, qu’on peut continuer à travailler tranquillement. Le major et moi, sommes restés à Bogandé au moins deux semaines sans pouvoir rencontrer le MCD. Lorsque j’ai demandé au major ce que le MCD a dit face à la situation, le major m’a dit qu’il nous demande de rejoindre le poste. Deux jours après, le MCD m’a appelé pour dire qu’il aurait appris que j’ai été aussi violée. J’ai répondu par la négative. Il m’a dit qu’il compte sur moi pour rester au poste et lui donner des informations permanentes concernant les agissements des terroristes. J’ai juste répondu : ok j’ai compris.

Le 2 décembre 2022 le MCD a fait sortir une note pour m’affecter à Bilanga et mon major au CMA de Bogandé. Après cela, il m’a appelée pour me demander de rejoindre le poste. Que c’est exprès qu’il m’a affectée là-bas car c’est pour me faire mal, qu’il est déçu de moi parce qu’on a fermé le CSPS sans l’informer. Je lui ai dit que c’était au major de l’informer et non moi. Lorsque j’étais rentrée à Ouaga, ma tante m’a amenée en consultation psychiatrie car ma santé n’était pas au bon fixe. Le médecin que je ne connais ni d’Adam ni d’Eve, m’a donné un certificat médical d’un mois qui expirait le 12 janvier 2023. Puis mon deuxième rendez-vous c’était le 27 décembre 2022. Cette fois, le médecin m’a donné un certificat médical de 30 jours. J’ai d’abord envoyé le premier certificat médical par WhatsApp au MCD et il m’a dit : ok meilleure santé et courage. En janvier il a appelé encore. J’étais allée à l’hôpital Blaise Compaoré, c’est ma fille qui a décroché. Quand je suis revenue, j’ai envoyé le certificat médical de février et c’est ce certificat qui a peut-être énervé le MCD. Il m’a dit que ce sont des certificats de complaisance et qu’il va transférer ses documents au Ministre de la santé comme ça, j’aurai ce que je veux. En moins de 15 minutes, c’est le Directeur Régional de l’Est qui m’a appelée pour me dire qu’il a reçu des certificats médicaux mais que si je juge que je suis malade, d’introduire une demande de congé maladie sinon ils vont déclarer un abandon de poste. J’ai voulu me présenter, il a dit qu’il sait qui je suis et lorsque j’ai voulu lui expliquer la situation, il m’a dit qu’il est au courant déjà de tout et de savoir qu’il y a l’insécurité partout. Il a aussi dit que ce n’est pas parce qu’on a affecté la dame qui a été violée que moi je vais vouloir ou exiger qu’on m’affecte aussi. Je me suis excusée parce qu’il semblait énervé. Il m’a même envoyé un message WhatsApp.

Je rappelle que depuis ce temps le major et moi sommes à Ouaga. Après ces échanges, grande fut ma surprise de voir une note d’affectation du major pour Fada et quant à moi c’est une mise en demeure qui a été publiée le 20 janvier 2023. Le major et moi sommes à Ouaga et c’est la même situation qui nous a amenés. Lui c’est un homme et on le redéploie et moi, c’est une mise en demeure.

Je demande à mes supérieurs hiérarchiques de tourner le regard vers moi et de prendre ma situation au sérieux. Je ne refuse pas de travailler mais je me sens en insécurité absolue là où on m’a affectée. La où j’étais, Liptougou, la sécurité n’est plus sur place et les terroristes ont brûlé la brigade. Il n’y a pas d’école. Là où le MCD m’a muté, Bilanga, c’est toujours la même chose. Cela ressemble à une punition parce j’ai eu peur et fui Liptougou. Je pense que l’État est garant de la sécurité de ses agents.

Je devais rester là et attendre les hommes armés ? S’ils me tuent, c’est ma famille qui perd. Je ne refuse pas de travailler je demande qu’on m’amène ailleurs. Si les forces de l’ordre ont quitté, qui suis-je moi qui n’ai que ma seringue et ma spatule pour rester et attendre ma mort ? Certes je vais mourir un jour mais je ne me souhaite pas cette mort.

Je demande sincèrement qu’on m’affecte ailleurs. Que Dieu nous protège et éloigne l’insécurité à jamais du Burkina Faso. Aidez-moi ! « 

La version du major

 » Je servais avec Nadège à Liptougou et une collègue a été victime de viol. Des hommes armés ont failli retiré la voiture de Nadège. On avait replié à Bogandé. Nous n’avons pas pu rencontrer le MCD pour échanger. Avec mon problème de santé, je suis rentré à Ouagadougou pour me soigner. Nadège aussi est rentrée à Ouagadougou. Le problème est que le MCD ne nous croit pas et pense qu’on ne veut pas travailler.
Après, il m’a muté au CMA de Bogandé et elle, à Bilanga alors que c’est la même situation sécuritaire là-bas.

J’ai déposé une demande d’affectation pour quitter la région mais le MCD n’a pas donné avis favorable. Finalement, j’ai été affecté à Fada. J’ai appris qu’on voulait affecter Nadège aussi à Fada mais le MCD à tenu à ce qu’elle rejoigne Bilanga.
Ce que nous avons vécu à Liptougou, des gens lui ont fait croire que c’est faux. Pourtant c’est la réalité. Par exemple, le mari de la dame qui a été victime de viol est venu pour chercher ses bagages. Les hommes armés ont failli le prendre. Il est retourné sans pouvoir ramasser les effets là. Il a même informé le MCD par appel. »

La version du MCD

« Elle a abandonné son poste ( Liptougou) depuis le 16 novembre 2022 alors qu’elle venait d’être affectée dans un centre médical à Bilanga. Je l’appelle, elle ne me décroche pas. Par la suite, elle m’a balancé un certificat de repos dont je sais qu’elle a obtenu par complaisance. Je ne vois pas qu’est-ce qui peut justifier un certificat d’un mois. Elle m’a renvoyé un 2e certificat de repos d’un mois.

L’administration publique ne peut pas accepter cela. Des informations que je reçois, elle appelle ses collègues à Bogandé pour dire qu’elle n’a rien mais qu’elle se donnera tous les moyens pour être affectée à Ouagadougou. Dans l’administration publique, quand on estime que la personne est suffisamment malade, elle part au ministère de la santé pour déposer en bonne et due forme, un certificat pour congé maladie. Comme cela, l’administration prend ses dispositions pour réduire le salaire, car ne pouvant compter sur la personne. A l’issue du traitement, elle introduit un certificat de reprise et cela permet de rétablir le salaire.

Comme elle ne me décroche pas, j’ai préféré faire une note de mise en demeure. Si d’ici là elle ne vient pas, je vais produire les documents nécessaires pour la suite de la procédure. Je la connais bien et je sais qu’elle n’a rien. Je ne lui veut pas du mal. Mais l’administration est ce qu’elle est, et il faut que je fasse mon travail. Si elle répondait à mes appels, on pouvait discuter et nous comprendre. Parce que sa collègue qui a été violée a été affectée, elle aussi veut coûte que coûte quitter. Concernant la situation sécuritaire, aucun CSPS n’est fermé. Il y a même des agents qui sont en poste à Liptougou et je ne les ai pas forcés. Certains agents me racontent que les histoires sont montées de toute pièce par le major et Nadège.

J’ai au moins dix agents à Bilanga qui travaillent sans problème. Donc je ne comprends pas pourquoi elle ne veut pas y aller. »

La Rédaction
Timbanews.net

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