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Nouna : Les femmes au champ !

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De la période des semis en passant par le désherbage jusqu’aux récoltes, les femmes sont de plus en plus impliquées dans tous les travaux agricoles dans la Kossi. En plus d’aider leur époux et d’avoir des petits champs personnels, elles s’organisent en ouvrières agricoles et offrent leur service à qui de besoin. Le prix d’une journée de travail varie entre 500 francs à 1000 francs par femme. Cette activité génératrice de revenus fait le bonheur de plusieurs femmes.

Dès l’aube, ces braves dames s’adonnent à leurs activités ménagères. À partir de 8 heures, direction le champ jusqu’à 16 heures. Fatiguées, elles retournent cependant à la maison pour reprendre les activités ménagères. La journée de ce 18 août 2021, nous l’avons passée en compagnie d’un groupe de femmes en plein désherbage d’un champ à Pa, un village situé à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Nouna. Entre labeur, chants, plaisanterie et débat, l’ambiance est de mise. Du café chaud et des << you you >> contribuent à redonner de la vigueur tout le long de la journée. Le repos intervient à partir de midi et à 14 heures, le travail reprend jusqu’à 16 heures.

L’ambiance est de la partie

« La plus utile et honorable science et occupation à une femme, c’est la science du ménage », clamait Montaigne. Si ce jugement digne du moyen-âge est toujours partagé par certains conservateurs, les femmes n’entendent plus passer leur vie entre le salon, le puits et la cuisine. Ainsi, depuis la fin du dix-huitième siècle, plusieurs mouvements et de nombreuses personnalités se sont illustrés dans ce combat qui est l’émancipation de la femme. Chaque huit mars, le monde entier commémore la journée dédiée aux femmes. Les acquis sont énormes, mais il reste du chemin surtout en Afrique où certaines réalités font obstacle. Cependant, l’heure n’est point à l’abdication. Dans le pays des hommes intègres, plus particulièrement dans la province de la Kossi, la gent féminine est de plus en plus entreprenante. La preuve ?

l y a quelques années, il était rare de rencontrer une femme occupée à désherber un champ dans la Kossi. Son rôle était de préparer et d’apporter le repas aux hommes et revenir apprêter le repas du soir. Certes, certaines femmes aidaient leur époux, mais seulement au moment des semis et des récoltes. Cette époque semble être révolue. De nos jours, de nombreuses femmes se tiennent aux côtés de leur mari pour désherber les champs familiaux. En plus de cela, elles offrent leurs services à qui le désire, fournissant ainsi une forte main d’œuvre agricole. Pour employer une femme dans son champ, il faut débourser la somme de cinq cent (500) francs dans les villages pour la journée.
A Nouna, ce montant varie et peut atteindre jusqu’à mille (1000 F) francs au grand bonheur des femmes.

Adjaratou Traoré s’occupe du café

Mamou Zoura, nous explique pourquoi elle mène cette activité : « je ne peux pas tout attendre de mon mari. Nous sommes deux épouses chez lui et la période hivernale est dure pour notre mari comme pour tous les paysans d’ici. Moi j’ai trois enfants et il faut prendre soin d’eux. L’argent que je gagne dans ce travail me permet d’acheter mes pommades et de satisfaire les petits besoins de mes enfants. C’est cet argent que j’utilise pour acheter les condiments afin d’agrémenter le repas familial. Et après tout cela, j’économise pour pouvoir mener un petit commerce pendant la saison sèche ». Pour la petite histoire, plusieurs maris ne donnent pas d’argent de popotes dans les villages. Il suffit de donner le céréale et c’est à la femme de se débrouiller avec le bois de cuisine et les condiments. Ce qui fait que certaines femmes prélèvent et vendent en cachette une partie de ce céréale afin d’asaisonner le repas.

Mamou Zoura

Pour les travaux champêtres, certaines femmes sont organisées en groupe. Aminata Dama, la responsable du groupe « bara kadi », nous révèle les objectifs de leur association : « Nous sommes 22 membres dans notre groupe et nous consacrons trois jours dans la semaine à ces travaux. Les autres jours certaines se reposent, mais d’autres se rendent dans le champ de leur mari ou dans leur propre champ. D’ici à la fin des travaux agricoles, nous pouvons gagner environ deux cent mille (200 000) francs. Cet argent nous sert à acheter les pagnes uniformes de la fête du 8 mars pour nous ainsi que pour nos filles. Dans le temps, on cotisait pour organiser la fête, mais tout le monde ne pouvait pas s’acquitter de cette cotisation. Grâce aux travaux champêtres, la journée de célébration de la femme est une grande fête dans notre village ».

Aminata Dama

Au delà du profit qu’en tirent les femmes, cette activité est fortement appréciée par plusieurs propriétaires de champs. Pour ces derniers, il est préférable de s’offrir le service des femmes que des hommes car celles-ci prennent le temps d’enlever toutes les herbes au pied des plants. En plus, il leur faut seulement du café et le repas de midi. Alors que les hommes demandent du thé et de la cigarette en plus du repas.

Les difficultés ne manquent pas

L’accès des femmes à la terre reste un défi dans la Kossi. Dans plusieurs familles, seuls les hommes ont ce privilège. A cause de plusieurs considérations traditionnelles, peu de femmes possèdent des terres cultivables. En attendant la concrétisation de leur droit à la terre, les femmes ont eu l’idée et le courage de se transformer en ouvrières agricoles offrant une main d’œuvre abondante et très appréciée. Cela n’est cependant pas du goût de tous. Certains maris n’approuvent pas que leur épouse prenne part à ces activités. Pour Aminata Dama, ces travaux entrainent effectivement des désagréments qui peuvent pourtant être évités.

Leurs enfants attendent sous un arbre

« Il y a deux de nos camarades qui ne prennent pas part aux travaux parce qu’elles n’en ont pas eu la permission. L’une d’elles s’est entêtée et son mari a failli porter la main sur elle », relate-elle. Le hic est qu’il est difficile de s’adonner à ces activités et s’occuper convenablement de la famille. Les repas sont souvent en retard. Le mari se sent délaissé. La nuit, après une journée de dur labeur, le sommeil s’impose. Pourtant, il y a des « exigences nocturnes » à satisfaire.

« La solution, c’est de s’organiser et planifier les activités. Mon mari était réticent mais je l’ai convaincu. Je me lève à l’aube pour préparer le repas de midi. Vers 8 heures, je finis tout. Mon mari l’emporte avec lui au champ et moi je suis libre de rejoindre mon groupe de travail. Quand on se repose à midi, je profite dormir un peu pour ne pas être indisponible la nuit (rires). A 16 heures je retourne à la maison sans traîner le pas pour reprendre mes activités ménagères. Mon mari, lui, revient du champ vers 18 heures. Je l’accueille avec du thé que j’achète moi-même », a-t-elle poursuivi.

Avec de l’accompagnement, ces braves femmes sont des véritables potentielles entrepreneures agricoles ; chose qui rime avec les objectifs du ministère en charge de la femme. Dans tous les cas, leur abnégation au travail présente une certaine assurance quant à l’atteinte de la véritable émancipation de la femme burkinabé, car « c’est par le travail que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait du mâle ; c’est le travail qui peut seul lui garantir une liberté concrète », affirme Simone de Beauvoir.

Issa Mada Dama

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