samedi 27 juillet, 2024 | 5:39

Ouvrons l’œil et le bon : le Sahel, le nouveau Camp de Thiaroye

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Dans ce récit teinté d’interpellation, Celui qui se fait appeler Professeur Zèèrèmè se sert de l’histoire pour décrire le présent. Parlant de Thiaroye ou du Sahel avec quelques détails, Zèèrèmè déplore le sort réservé aux lanceurs d’alertes. Lisez plutôt !

Camp de Thiaroye, tourné en 1988 est un film de Sembene Ousmane et Thierno Faty Sow, une tentative d’édification de la mémoire du massacre de Thiaroye déroulé dans un camp militaire à une quinzaine de kilomètres de Dakar au Sénégal le 1er décembre 1944 : des troupes coloniales et des gendarmes français ont tiré sur des tirailleurs sénégalais, anciens prisonniers de la Seconde Guerre Mondiale récemment rapatriés et qui manifestaient pour le paiement de leurs indemnités et le versement du pécule qui leur avait été promis depuis des mois. Sembene Ousmane (ancien tirailleur sénégalais) et Thierno Faty Sow dans ce long métrage de 147 minutes que nous trouvons en accès libre sur youTube, par l’usages de jeux linguistiques, dénoncent les injustices, les préjugés raciaux tout en procédant par cette même entremise à l’indexation de l’appartenance à tel territoire de l’AOF des différents tirailleurs qui manifestaient contre les arriérés de solde, les pécules et les primes de démobilisation. Toute l’histoire est organisée autour du sergent-chef Diatta : il est Sénégalais, cultivé et élégant, il parle le wolof, le français, l’anglais. Il est amateur de musique classique et de littérature. Le fait qu’il soit marié à une femme d’origine européenne ne le rend pas moins fier de son « africanité ». Le voir, le suivre dans son environnement et l’entendre avec tous les autres tirailleurs qu’il mobilise autour de lui, c’est entrer de plein pied dans les contradictions du système colonial et comprendre les mécanismes de formation des catégories, des relations sociales et de certaines pratiques au sein de ce monde.

Ce qui s’est passé en 1944, c’est exactement ce même scénario qui continue de se jouer sous nos yeux encore aujourd’hui dans le Sahel. Les sonneurs d’alerte comme Pays dans ce film, ne sont malheureusement jamais écoutés. Ils sont même ridiculisés « il voit des allemand partout », jusqu’à ce que l’irréparable soit arrivé. Prenons le cas de notre pays le Burkina Faso, combien de fois n’a-t-on pas fait circuler sur les réseaux sociaux des images d’hommes armés arpentant fièrement des contrées au vu au su de tous. Certaines radios et télévisions en ont même payé les frais : il faut éviter de semer la panique ! Mais quand le mal est commis, on se confond en condamnation avec la plus ferme énergie et en décrets de journées nationales de deuil. Ceux qui marchent pour une Afrique plus libre et vraiment indépendante sont arrêtés sur nos sols et renvoyés comme des paquets indésirables chez eux. Ceux qui prennent leur destin en main et osent regarder dans une autre direction que celle imposée par certains partenaires voient tout de suite leurs avoirs gelés, interdits de sortir de chez eux et devront ployés sous des embargos. Oui, A quand l’Afrique ? Qu’avons-nous fait de l’héritage de courage et de combativité que les tirailleurs sénégalais ont montré à la face du monde dans le camp de Thiaroye ?

Il y a un adage africain qui dit : « La gueule tapée meurt avec ses pleurs et ses grincements dans le ventre ». Peut-on regarder Camp de Thiaroye sans évoquer cette figure de la gueule tapée dans le personnage de Pays, homographe parfait de tous ces pays dont les museaux des dirigeants ont été muselés de gré ou de force, les rendant complices des injustices sociales dont souffrent leurs populations ? En même temps, Pays représente le cri étouffé de tous ces tirailleurs sénégalais qu’on a voulu faire taire en les assassinant. Un crime de masse prémédité selon l’historienne Armelle Mabon, maître de conférence à l’Université Bretagne Sud. Spoliation, droit renié, déni, crime de masse prémédité, mensonge d’Etat, voilà ce que met à nue Camp de Thiaroye à travers les jeux d’hybridation linguistique où bruits, musiques, voix et espaces se nouent pour exhiber cette « gueule tapée » qu’on a enterré avec ses pleurs et ses grincements dans le ventre. Une exhumation des corps pourrait éclairer beaucoup de mystère autour de ce massacre du 1er décembre 1944 car « c’est l’ombre dans laquelle on les maintient qui donne à penser que certaines réalités sont noires », dit le proverbe. Et avec Sénèque nous savons bien que « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas mais c’est parce que nous n’osons pas que les choses sont difficiles ». La dernière scène où Pays essaie vainement d’expliquer aux autres ce qui se préparait est encore d’une brûlante actualité. Jusques à quand allons-nous comprendre ce qui se trame autour de nous dans le nouveau Camp de Thiaroye qu’est le Sahel ?

Professeur Zèèrèmè
La Voix des sans-voix

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