vendredi 29 mars, 2024 | 12:41

Attaque convoi humanitaire à Barsalogho : Les rescapés de l’horreur parlent

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L’attaque du convoi humanitaire qui a fait 11 morts dont 7 gendarmes et 6 civils le samedi 30 mai 2020 dans la zone de Foubé. Après l’horreur, des rescapés ont accepté de nous parler.

S.P., une déplacée interne de Foubé venue de Gasseliki

« C’était horrible… »

« Je souffrais de maux de tête, et comme mon état de santé ne s’améliorait pas après plusieurs jours de soins au poste de santé du camp de déplacés de Foubé, les agents de santé ont décidé de me référer au CMA de Barsalogho. Ils ont profité du départ du convoi sécurisé pour m’évacuer par ambulance. En plus du chauffeur et moi, il y avait dans l’ambulance un homme malade, un infirmier et ma fille qui m’accompagnait avec son bébé.

Nous étions dans le convoi, devant l’ambulance, il y avait  des gendarmes dans un véhicule (Ndlr : pick-up) et d’autres sur des motos. Lorsque nous avons traversé le village de Bilbalgo, un groupe d’hommes lourdement armés sont sortis de la brousse et ont commencé à tirer sur les éléments de la sécurité qui dirigeaient le convoi. Les soldats qui étaient en tête du convoi n’ont même pas eu le temps de se défendre.

Les individus armés tiraient de partout. Lorsqu’ils ont commencé à tirer sur l’ambulance qui nous évacuait, Keïta (Ndlr : surnom du chauffeur de l’ambulance qui est très connu par les déplacés du camp de Foubé) a crié en leur disant de faire pardon, car nous sommes tous des fidèles de la religion du prophète Mohamed. Un de ceux qui tiraient sur l’ambulance a répliqué en disant qu’ils sont aussi de la même religion, mais qu’ils combattent les soldats. Lorsque les balles ont transpercé mon ventre et ma cuisse, j’ai crié.

C’est à ce moment qu’un des individus armés, un peu âgé, a ordonné aux autres d’arrêter de tirer sur l’ambulance, car il y a une femme. Il a déposé son arme et m’a aidée à sortir de l’ambulance. J’avais tout mon corps couvert de sang. Le malade qui était à côté de moi, l’infirmier et le chauffeur ont tous succombé sur le champ à leurs blessures. Ma fille est aussi descendue avec son bébé.

Ils (Ndlr : les individus armés) nous ont demandé d’aller nous coucher dans une cour qui était à proximité des lieux. Comme je ne pouvais pas me lever, j’ai dit qu’ils peuvent m’achever s’ils le veulent. Un d’entre eux s’est approché de moi et m’a aidé à bander mon ventre, qui saignait, avec le foulard que je portais sur la tête. J’étais couchée et je suivais avec amertume ce qu’ils faisaient. C’était horrible.

Je me suis demandé comment des humains peuvent faire cela à leurs semblables. Ils se sont même déchaînés sur les dépouilles des personnes qu’ils ont tuées. Ils ont enlevé de la volaille dans un des véhicules qui transportaient aussi des petits ruminants. Ils ont grillé les poulets sur les lieux pour les manger.  Ils ont incendié les véhicules qui ont apporté les vivres au camp. Ils chantaient, dansaient, criaient et faisaient des acrobaties avec les motos (…).

Ils ont ensuite ordonné à un homme qui n’était par mort d’utiliser un des tricycles pour prendre les femmes blessées et enlevée la dépouille d’une femme. Nous étions deux blessés sur les lieux. Au coucher du soleil, les hommes armés, qui étaient très nombreux et parmi lesquels il y avait de jeunes enfants, ont pris les motos et les tricycles abandonnés en plus des leurs et sont partis en direction de Pensa.

Le conducteur du tricycle nous a conduits la même nuit à Barsalogho. Sur le chemin, il a aidé d’autres femmes, qui marchaient dans la brousse, à rejoindre la ville. »

T.S., déplacée interne de Foubé venue de Gasseliki

« C’est un infirmier qui nous a guidées dans la brousse… »

S.P., une des rescapés de l’attaque terroriste, ne s’est toujours pas remise de l’horreur qu’elle a vécue. Couchée sur son lit d’hospitalisation avec son nourrisson, elle crie et sursaute au moindre bruit. Encore sous le choc, S. P. nous raconte son calvaire : « Je n’arrive pas à fermer les yeux depuis l’attaque. Quand je ferme les yeux, j’entends le bruit des balles et les crépitements des armes. J’accompagnais ma mère malade qu’on évacuait à Barsalogho dans l’ambulance. Je croyais qu’elle avait succombé à ses blessures par balles lors de l’attaque. Avec d’autres femmes, nous avons marché dans la brousse toute la nuit jusqu’au lendemain matin pour rejoindre la ville de Barsalogho.

Je tenais mon enfant dans les bras, car je n’avais pas de pagne pour le porter au dos. C’est un infirmier qui nous a guidés dans la brousse. Deux autres hommes, qui avaient également réussi à s’enfuir,  ont refusé de nous aider. Lorsque nos enfants pleuraient de soif, l’infirmier a plongé son habit dans une marre pour nous permettre de prendre quelques gorgées.

Tous mes pieds sont enflés et blessés à cause de la longue marche que nous avons effectuée. Je ne comprends pas pourquoi tous ces malheurs nous arrivent. Nous avons fui les attaques à Gasseliki (Ndlr : localité du Soum) pour nous réfugier à Foubé. Mon mari est décédé il y a moins d’un mois… »

D.D.W.O. lobservateur.bf

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